Le gouvernement mexicain enquête sur un collectionneur qui affirme avoir brûlé un dessin de Frida Kahlo pour un projet caritatif de tokens non fongibles (NFT). Le collectionneur Martin Mobarak aurait mis le feu à un dessin de Frida Kahlo datant de 1944 dans un verre à martini, tandis qu’un groupe de mariachis entonnait des chants lors d’une cérémonie dans son hôtel particulier de Miami.
Recientemente en Miami, Martín Mobarack quemó una pintura de la artista Frida Kahlo para hacer 10,000 NFT’s, desde ARTE CAPITAL reprobamos y nos ponemos a este tipo de atentados al patrimonio artístico de México. #QuemaronaFrida #artecontemporaneo #patrimonioartístico #fridakahlo pic.twitter.com/mUWpA4hbs1
— Arte Capital (@Arte_Capital) September 21, 2022
L’homme de Floride a mis le feu à ce qui semble être un dessin de Frida Kahlo d’une valeur de 10 millions de dollars dans le cadre d’un lancement de jetons non fongibles (NFT) et il fait actuellement l’objet d’une enquête pour crimes fédéraux au Mexique. Cet homme, c’est Martin Mobarak, un entrepreneur mexicain dans le domaine des nouvelles technologies et créateur de la crypto-monnaie AGCoin et il a filmé son événèment pyrotechnique incendiaire le 30 juillet lors d’un événement privé dans son manoir de Miami, a rapporté le Mexico Daily Post. Les invités étaient conviés au lancement d’une “collection NFT exclusive” produite par le projet Frida.NFT de M. Mobarak : 10 000 versions numériques de Fantasmones Siniestros, un dessin de Kahlo, ont été générés et vendues en tant que NFTs. Sur YouTube, on peut voir Mobarak dévoiler une œuvre sur papier qui semble être Fantasmones Siniestros (1944), la dévisser de son cadre et la poser sur un verre à martini rempli de glace sèche et de carburant. Il y met le feu, tandis que la foule – décrite sur son site web comme “une liste sélective de participants” – applaudit et qu’un groupe de mariachis se met à chanter.
La diffusion de l’événement a attiré l’attention de l’Institut national des beaux-arts et de la littérature du Mexique, la principale autorité culturelle du pays. L’institut a déclaré dans un communiqué lundi qu’il enquêtait sur cette destruction au motif que les œuvres de Kahlo sont des trésors nationaux.
“Au Mexique, la destruction délibérée d’un monument artistique constitue un délit au regard de la loi fédérale sur les monuments et zones archéologiques, artistiques et historiques”
Mobarak a affirmé qu’une partie des ventes des NFT, dont le prix est de 3 Ethereum/pièce (une bagatelle de quand même presque 4 000 dollars aujourd’hui), sera reversée à des organisations caritatives, notamment au Museo Frida Kahlo et au Palacio de Bellas Artes, tous deux situés à Mexico, ainsi qu’à l’association Children’s Craniofacial. Les détenteurs de NFT recevront une image haute résolution du dessin et l’accès à des équipements de luxe, des expériences uniques et des événements exclusifs dans le monde entier, entre autres avantages, indique le site Web.
Fantasmones Siniestros (ou “Fantômes sinistres”) est à l’origine un dessin recto-verso que Kahlo a réalisé dans son journal intime et qui représente une foule de créatures à l’encre et à l’aquarelle. L’artiste l’a offert au critique d’art vénézuélien Juan Röhl, et il est finalement entré dans les mains de la galerie new-yorkaise Mary-Anne Martin Fine Art. Selon Vice, Mary-Anne Martin a vendu le dessin en 2004 à la Fondation Vergel, puis en 2013 à un collectionneur privé. (L’œuvre a été exposée au moins deux fois, lors de la rétrospective Kahlo de 2010 au Gropius Bau et dans le cadre de l’exposition itinérante 2012-13 Frida & Diego : Passion, Politics & Painting, co-organisée par le Musée des beaux-arts de l’Ontario, le High Museum of Art et le Museo Dolores Olmedo au Mexique).
Mobarak a déclaré sur son site web qu’il avait acheté l’œuvre en 2015. Mais la marchande new-yorkaise a déclaré au magazine Vice qu’elle ne lui avait pas vendu le dessin et qu’elle n’avait jamais entendu parler de lui avant la semaine dernière. “Toute cette histoire est effrayante”, a-t-elle déclaré au magazine. L’Institut national des beaux-arts et de la littérature dit qu’il rassemble actuellement des informations pour confirmer si l’œuvre détruite était l’original. Le site Web de Frida.NFT affirme que c’est le cas, notant que l’authenticité de l’œuvre a été certifiée par le marchand d’art mexicain Andrés Siegel le jour de l’incendie, après quoi elle a été confiée à la sécurité et gardée jusqu’à l’événement. “Dans une interview accordée au magazine Exeleon, Mobarak, qui a grandi à Mexico, a déclaré qu’il appréciait depuis toujours Kahlo, dont il a visité le musée à plusieurs reprises lorsqu’il était étudiant. Il a également laissé entendre qu’il s’agissait de la première de plusieurs collections NFT à venir basées sur des œuvres d’art de sa propre collection.
En tant que propriétaire actuel des tableaux, j’ai l’intention de faire des dons perpétuels à de nombreuses organisations pour les personnes dans le besoin grâce aux redevances provenant de la vente et de la collection des NFTs
Mobarak n’est pas la seule personne fortunée à s’intéresser à cette intersection entre le monde de l’art physique et des NFTs et particulièrement l’aspect pyrotechnique et symbolique du feu. Damien Hirst prévoit de brûler un certain nombre de ses œuvres le mois prochain à Londres, dans le cadre d’un projet dans lequel les collectionneurs vont devoir choisir entre conserver la propriété d’objets physiques ou recevoir des droits d’auteur. Ces évènements qui interrogent sur la nature des oeuvres d’art : physique, ou digitale, font émerger des questions très clivantes. Au premier abord on peut naturellement s’offusquer de la destruction physique, mais alors ne devrait on pas aussi remettre en question la propriété privée des oeuvres ? Une question brûlante…